SUIVI DES RAPACES FORESTIERS EN LOZÈRE ET DANS LE PARC NATIONAL DES CÉVENNES : LE CIRCAÈTE JEAN-LE-BLANC Résultats pour 2014 Jean-Pierre et Isabelle MALAFOSSE Parc national des CévennesSUIVI DES RAPACES FORESTIERS EN LOZÈRE ET DANS LE PARC NATIONAL DES CÉVENNES : LE CIRCAÈTE JEAN-LE-BLANC Résultats pour 2014 Enfin une année presque parfaite pour nos circaètes cévenols. Pour notre population, 2014 fait partie des quatre meilleures années de reproduction observées durant les 23 ans de suivi. Nous espérons que 2014 ne sera pas qu’une simple année de répit et que les conditions futures nous permettrons de vivre des printemps identiques pendant quelques temps encore. I) – Inventaire : Les tableaux ci-dessous présentent les effectifs et densités retenus pour la zone d’étude en 2014. Nous avons confirmé 4 nouveaux couples certains cette année. Trois sur l’Aigoual et un sur le Mont Lozère. Secteurs biogéographiques Certains Probables Possibles Total Cévennes (CEV) 44 3 8 55 Causses (CAU) 48 5 10 63 Aigoual (AIG) 48 0 0 48 Mt Lozère (LOZ) 17 7 7 31 Aubrac (AUB) 15 1 – 16 Total général 172 16 25 213 Tableau n° 1 : inventaire, par secteur et sur la zone générale d’étude des couples nicheurs de circaète (couples certains, probables et possibles.) Secteurs couples couples couples total Biogéo… certains probables possibles C évennes 44 3 8 55 Causses 48 5 10 63 Aigoual 48 0 0 48 M t Lozère 17 7 7 31 ZONE 157 16 24 197 superficie (ha) 60 000 90 000 45 000 70 000 265 000 Nb cple pour Nb ha/cple 100km2 9,17 1091 7 1429 10,67 937 4,43 2258 7,36 1359 Tableau n° 2 : inventaire des couples et densités sur quatre secteurs biogéographiques du Parc national des Cévennes en 2014.II) – Reproduction L’effort de contrôle des sites de reproduction atteint l’an dernier (97 sites) n’a pas été maintenu en 2014. Cette année, les 77 sites contrôlés représentent tout de même 45% des 172 couples de circaète connus. Nous avons constaté encore une fois un bon taux d’occupation avec 67 couples présents (87%). Seuls 5 sites n’étaient occupés que par un seul oiseau et 5 autres étaient déserts. Cela semble aussi confirmer que l’an dernier le fort taux de sites non occupés était dû à de mauvaises conditions météo ayant perturbé les observations. Le tableau n°3 présente les résultats de la reproduction par zone biogéographique et pour tous les couples suivis en 2014. Cévennes (14 couples) Causses (18 couples) – Ponte : 14 sur 14 = 1 – Ponte : 17 sur 18 = 0,94 – Éclosion : 11sur 14 = 0,79 – Éclosion : 15 sur 18 = 0,83 – Envol : 11 sur 14 = 0,79 – Envol : 13 sur 18 = 0,72 Aigoual (13 couples) Mt Lozère (07 couples) – Ponte : 10 sur 11 = 0,91 – Ponte : 07 sur 07 = 1 – Éclosion : 07 sur 13 = 0,54 – Éclosion : 05 sur 07 = 0,71 – Envol : 07 sur 13 = 0,54 – Envol : 05 sur 07 = 0,71 Tous les secteurs (52 couples) – Ponte : 48 sur 50 = 0,96 – Éclosion : 38 sur 52 = 0,73 – Envol : 36 sur 52 = 0,69 Tableau n° 3 : bilan de la reproduction pour 52 couples en 2014 Rappel du taux de reproduction pour les années précédentes: 1992 = 0,33 (N=13) 1993 = 0,66 (N=15) 1994 = 0,47 (N=17) 1995 = 0,78 (N=27) 1996 = 0,65 (N=37) 1997 = 0,40 (N=35) 1998 = 0,64 (N=33) 1999 = 0,71 (N=38) 2000 = 0,58 (N=59) 2001 = 0,57 (N=67) 2002 = 0.52 (N=62) 2003 = 0,59 (N=61) 2004 = 0,31 (N=64) 2005 = 0.54 (N=48) 2006 = 0,79 (N=42) 2007 = 0,56 (N=48) 2008 = 0,50 (N=56) 2009 = 0,41 (N=49) 2010 = 0,22 (N=50) 2011 = 0.42 (N=50) 2012 = 0.23 (N=52) 2013 = 0.41 (N=49) 2014 = 0.69 (N=52) Moyenne sur 23 ans = 0,52 juv. / Couple (N=1022 cycles) Cette année, le printemps exceptionnel a permis la ponte chez presque tous les couples. C’est très rare d’atteindre ce score de pratiquement 100% dans notre population (voir graphique 3). Les éclosions ont suivi une période d’incubation également sans encombre pour la majorité de nos couples. La baisse assez marquée des jeunes éclos par rapport aux œufs pondus est essentiellement due à des pertes situées sur le secteur de l’Aigoual (30% contre 18% pour les trois autres zones cumulées). Enfin, l’élevage des jeunes fut excellent avec uniquement deux pertes durant cette période malgré un épisodeextrêmement pluvieux de près de 15 jours en juillet (mois le plus arrosé avec novembre en 2014, voir graphique 2). Avec 0,69 jeune par couple, 2014 restera une des meilleures années de reproduction pour nos circaètes. Le secteur Cévennes frôle même les 0,8 juv/couple, ce qui le rapproche des résultats couramment observés dans les garrigues du Gard et de l’Hérault. -Date moyenne de ponte en 2014 : 10 avril (N=32). En 2014, la date moyenne de ponte revient sur une « normale » que nous avions perdue depuis une dizaine d’années. Elle repasse en dessous du 14 avril, date moyenne calculée sur 20 années et 435 cycles de reproduction. Il est fort probable qu’entre 2004 et 2013 les facteurs météorologiques locaux ont perturbé la date moyenne de ponte de la même manière que le taux de reproduction (graphiques 1 et 3). Graphique 1 : évolution de la date moyenne de ponte sur 20 ans. Graphique 2 : Pluviométrie et nombre jours de pluies en 2014 (Saint Etienne du Valdonnez -48-).Les 32 dates de ponte que nous avons pu déterminer, grâce à la longueur de l’aile pliée des poussins, nous indiquent que 30 d’entre elles ont été déposées entre le 1 er et le 17 avril (20 entre le 1 et le 8/04, 10 entre le 10 et le 17/04). Seules deux pontes plus tardives ont été observées en mai 04/05 et autour du 25/05 pour la dernière. 16 échecs ont affecté nos couples reproducteurs. 7 sont indéterminés et les 9 autres se répartissent comme suit : – Abstention – lié au couple – Œufs clairs – Prédation : 01 : 01 : 04 : 03 Comme en 2013, nous avons rencontré quatre pontes stériles, ce qui semble encore élevé pour ce type d’échec. Nous envisagerons peut-être l’analyse toxicologique des œufs si ce phénomène persiste. Peu d’abstentions cette année. Elles sont essentiellement liées à l’état physiologique des femelles en mars /avril et affectent la ponte (8 en 2013 !). Un échec lié au couple (lutte probable de deux femelles ayant entrainé l’échec de la ponte). Enfin trois prédations dont deux sur le poussin et une sur l’œuf. Cette dernière est due à l’attaque d’une Martre sur la femelle en train de couver et qui a sans doute échappé au mustélidé. Graphique 3 : Suivi de la reproduction de 1995 à 2014 ponte éclosion envol III) – Régime alimentaire du jeune circaète à l’aire : En 2014 nous apportons 28 nouvelles proies (fraîches) au tableau de régime alimentaire. Le nombre d’item pour chaque taxon relevé en 2014, apparait entre parenthèse dans le tableau. Deux aires observées à l’affût apportent à elles seules 17 proies identifiées. Cette année, l’épisode pluvieux de juillet sort un peu de l’ordinaire et a perturbé les circaètes dans la recherche de leurs proies habituelles. Bien que les chiffres ne soient pas très significatifs, les orvets et les oiseaux apportés par les adultes des aires observées montrent une certaine adaptation aux conditions météo du moment. Nous avons pu voir des apports d’orvet les jours de pluie effectués par la femelle alors que le mâlen’était pas venu ces jours là. Un autre jour, le mâle étant resté également absent toute la journée, la femelle a nourrit le jeune avec 5 poussins de petit galliforme (perdrix ?). Les jeunes ont perdu du poids durant cette dure période de juillet mais nous n’avons pas constaté de mortalité comme durant certaines années passées. Les grandes couleuvres restent toujours majoritaires cette année. Le tableau N°4 présente les proies relevées dans les aires de 1991 à 2014 (voir texte) . COULEUVRES 255 C. d’esculape C. verte et jaune C. à collier C. de Montpellier C. vipérine C. girondine C. lisse C. (sp) VIPÈRE ASPIC OPHIDIENS (sp) LÉZARDS VERTS ORVETS HÉRISSONS TAUPE CAMPAGNOLS (sp) CAMPAGNOLS TERRESTRES LIEVRE (juv) LAPIN (juv) RONGEURS (sp) GRENOUILLE ROUSSE CRAPAUD OISEAUX (2) (2) (2) (4) (1) (4) (1) (1) (5) (1) (5) 51 77 15 32 3 1 3 73 35 16 20 21 7 1 5 3 1 1 13 3 4 7 Tableau n°4 : synthèse du régime alimentaire de 1991 à 2014 (N=392). Entre parenthèse : les proies relevées en 2014 . IV) – Baguage – Biométrie : Nous avons procédé aux opérations de baguage entre le 18 juin et le 09 juillet 2014. Nous avons bagué 26 poussins et marqué seulement 6 d’entre eux avec des bagues colorées en Darvic Orange. Ces bagues orange, numérotées 061 à 066, ont été posées à la patte gauche et la bague métal du muséum à la patte droite. Depuis le début de l’étude nous avons bagué 433 poussins et marqué 342 d’entre eux avec des bagues colorées. A l’heure actuelle, ces oiseaux bagués nous ont permis d’avoir 105 contacts (vivants ou morts) dont 82 ont pu être identifiés. Ces oiseaux identifiés concernent 49 individus différents (certains ont été revus à plusieurs reprises). 23 restent non identifiés (13 lectures incomplètes de bague et 10 avec pertes de bagues colorées partielles ou complètes). Ces derniers nous permettent parfois d’avoir un âge à deux ans près. Ces chiffres restent trop faibles pour pouvoir pratiquer des analyses statistiques relatives à la dynamique des populations. Nous nous contenterons pour l’heure d’utiliser ces observations pour tenter d’apporter quelques éléments de réponses à des questions simples mais utiles pour comprendre l’écologie du comportement des circaètes (âge de première reproduction, philopatrie,retour des jeunes en première année en Europe, polygamie…). Nous avons déjà quelques observations qui répondent partiellement à ces questionnements grâce au marquage des oiseaux. Observations d’oiseaux bagués en 2014 : Peu de contacts cette année. Seulement 5 données (3 contrôles et 2 reprises). -Les oiseaux identifiés vivants déjà observés par le passé ou suivis régulièrement : Une nouvelle observation pour notre mâle fétiche et doyen de notre étude (Photo 8). Il vient d’atteindre sa « majorité civile » cette année avec 18 ans d’existence (classe 19A) mais il est encore loin du record mondial de 33 ans détenu par la France. -Les oiseaux nouvellement observés vivants : Pas d’identification formelle pour ces deux circaètes observés en juin. – Le premier est une femelle (plumage type) dont la lecture incomplète du marquage nous laisse simplement supposer son âge entre 7 et 9ans. Photographiée le 05/06 sur terrain de chasse par Hervé Pic (Photo 9). – Le second est un mâle (plumage type) dont l’âge se estimé à 5/6 ans par la lecture incomplète des bagues. Il a été photographié le 09/06 par Bruno Descaves sur zone de chasse. Ces deux oiseaux, compte tenu de leur âge sont potentiellement nicheurs sur la zone. -Les reprises (oiseaux morts) : Deux jeunes oiseaux, un poussin de 2013 et un juvénile 2014, ce dernier âgé de 100 jours et à peine sortie de l’aire, ont été retrouvés morts. Le poussin né en 2013 se trouvait encore dans l’aire, apparemment mort de maladie ou de disette (pas de consommation par un prédateur). Il nous arrive de trouver l’année suivante, surtout lorsque les conditions météo étaient très défavorables, de grands poussins morts dans l’aire. Les adultes n’ont pas repris l’aire occupée par le cadavre de leur jeune cette année, mais se sont déplacés à quelques centaines de mètres dans une aire de Buse variable (Buteo buteo). L’an dernier nous avions fait la même observation pour un autre couple (poussin 2012 trouvé mort dans l’aire en 2013 et aire non reprise du nid par les adultes en 2013). Nous avons évacué le cadavre du jeune en 2013 et ce couple a repris l’aire en 2014. Le jeune volant, retrouvé mort sur le site à quelques centaines de mètres de l’aire, a percuté les câbles d’une ligne haute tension qui traverse la zone de nidification. M. Hubert Guérin a retrouvé la dépouille de l’oiseau mort depuis moins de 24 heures sur la piste. Nous avons pu au moins faire des relevés biométriques qui seront utiles pour la connaissance de l’âge et du sexe des oiseaux. V) – Observations comportementales : Pontes tardives et pontes précoces Deux couples cette année auraient bien pu être notés en échec si nous n’avions pas été opiniâtres et rigoureux dans le suivi.Le premier couple est contrôlé le 7 puis le 10 avril avec un seul oiseau (mâle) sur le site qui s’envole le matin et part directement à la chasse. Ces dates ne sont pas très précoces pour contrôler un site, mais sur le Mont Lozère ce couple pond rarement avant la mi-avril. Inquiets et redoutant une absence de la femelle, nous observons tout de même à distance un petit duvet près de l’aire. Nous constatons le 18/04, en approchant l’aire prudemment que la femelle couve déjà. La biométrie sur le poussin confirme une ponte au 4 ou 5 avril. Inversement pour le second couple, les oiseaux défendent le site jusqu’à la mi-mai, sans aucun signe d’une ponte imminente de la part de la femelle. Nous trouverons en juillet, en contrôlant l’aire, un œuf fraîchement cassé (<24heures) au pied de l’arbre avec un poussin proche de l’éclosion. Nous situons, grâce à ce contrôle, la date de ponte autour du 25 mai. Nous aurions pu dès la mi-mai considérer ce couple en abstention pour 2014. Prudence donc, avec les possibilités de pontes tardives non liées à des pontes de remplacement. Attaque du le jeune à l’aire. Nous avons constaté cette année lors du baguage d’un poussin des traces de coups de bec sur les scapulaires et couvertures alaires (photo 1). Un petit corvidé (geai ?) est sans doute à l’origine de l’attaque de ce poussin âgé de 4,5 semaines environ. Heureusement les coups de bec n’ont touché que superficiellement la peau de l’aile et coupé qu’un nombre modéré de plumes en tuyau. Photo 1 : trace de coups de bec sur un jeune au nid. Photo : Nicolas Bertrand Chute de l’aire Assez souvent, les échecs de la nidification pour les circaètes sont dus à la chute de l’aire, de l’œuf ou du poussin. La frêle architecture du nid ou la position en bout de branche favorisent souvent cette cause d’échec les années très venteuses ; la branche devenant une véritable catapulte.Une rapide estimation, sur 299 causes connues d’échecs, montre que plus de 17% des reproductions échouées dans les Cévennes sont dus à ce type de problème. Cet important pourcentage est pratiquement identique à celui de la prédation (16.8%). Lorsque la chute se fait d’une faible hauteur, le jeune survit généralement et les adultes continuent à le nourrir au sol. Le poussin se met rapidement à l’ombre et les adultes amènent parfois même des matériaux verts autour de lui. Si la chute se produit d’une plus grande hauteur et que le poussin ne peut pas l’amortir, faute d’un développement insuffisant de ses ailes, il se tue en tombant ou se blesse (fractures ou cassures des plumes en tuyau). Un poussin blessé est souvent voué à une mort lente et inéluctable. Cette année nous avons trouvé un poussin d’environ 6,5 semaines tombé à terre avec les tuyaux de plusieurs rémiges primaires et secondaires cassées et colonisées par une myriade de minuscules asticots. Le poussin semblait voué à une mort lente. Nous l’avons descendu, après avis du centre de soins de Millau, chez le vétérinaire de Florac (Nico Coenders) pour tenter de « nettoyer » les tuyaux. Après de minutieux prélèvements et traitements adaptés, les ailes semblaient « propres ». Nous avons ensuite nourri l’animal et gardé celui-ci pour la nuit. Le lendemain à la première heure, nous sommes allés avec Rémi Destre ramener le poussin sur le site. Après lui avoir construit une aire solide sur un chêne blanc, à 1,70 de hauteur, nous sommes allés nous mettre en observation sur la pente en face. Ce n’est que vers onze heures en fin de matinée que le mâle est venu sur le site et a plongé sans problème sur l’aire improvisée pour rendre visite au jeune. Nous avons suivi discrètement le développement du jeune qui toutefois montrait un retard de croissance de ces ailes. Quelques jours avant l’envol il avait perdu les rémiges abimées et desséchées ; sans doute qu’il sera parti avec un lourd handicap mais nous ne pouvions pas faire plus pour lui. Après l’envol nous ne l’avons pas revu sur le site, ce qui est sans aucun doute un mauvais signe, mais l’espoir demeure. Photos 2 et 3 : Jeune circaète en fin de développement sur son aire artificielle . Photos : I. MalafossePhotos 4 et 5 : chute de rémiges primaires et secondaires . Photos : I. MalafossePhotos 6 et 7 : Le Jeune confortablement installé dans son aire de fortune. 15 jours avant l’envol environ .Le suivi 2014 a été effectué avec la collaboration de : – pour le Causse : J.L. BIGORNE, G. COSTE, T. DAVID, R. DESCAMPS, P. MARTIN, – pour l’Aigoual : N. BERTRAND, B. DESCAVES, G. KARCZEWSKI, G. J.L. PINNA, B. RICAU. – pour les Cévennes : R. BARRAUD, Y. BRUC († † ), M. MASSOUH, T. NORE, V. QUILLARD, – pour le Mont Lozère : A. AVESQUE, J.M. FABRE, D. HENNEBAUT. Tèl: 04-66-48-05-47 Mail: malafossejeanpierre@orange.fr Jean-Pierre et Isabelle MALAFOSSE Route de Bassy 48 000 St Etienne du Valdonnez Hommage aux deux Yves En ce début d’année 2015, nous sommes très attristés par le départ soudain de deux Yves qui nous auront accompagné chacun à leur manière sur les chemins de la connaissance et de la protection du circaète. Yves Bruc, tout d’abord, collègue du Parc national, qui depuis de nombreuses années nous apportait avec enthousiasme et professionnalisme un soutien très apprécié dans le suivi de l’espèce. Ce qui va beaucoup nous manquer, ce sont les rencontres amicales, inopinées et quasi systématiques, dans ses chères Cévennes et dont il avait le secret ; le plus souvent devant un site à circaète ou une aire de Faucon pèlerin. Cette absence marquera les années à venir, un peu comme lorsque le couple de circaète tant attendu n’est pas au rendez vous et qu’il manque quelque chose ou quelqu’un dans ce lieu imprégné de sa présence. Yves Boudoint, véritable père des circaètes. Il avait osé, bien avant tout le monde, percer les mystères les plus profonds de l’espèce (technique du vol, comportement…). Force est de constater qu’il a réussit dans bien de ses démarches et que la connaissance qu’il nous a apportée aura influencé de manière absolue notre vie de naturaliste. Il restera aussi pour nous un exemple d’opiniâtreté et d’éternel émerveillement. Il nous a quitté à 94 ans, mais jusqu’au bout il n’a jamais raté le rendez vous annuel du retour de ses circaètes. Cette année il va manquer deux paires d’yeux pour scruter les montagnes au mois de mars et il me plait de penser que les circaètes vont s’en rendre compte avec tristesse. Pour accompagner l’esprit de nos amis et rappeler à ceux qui restent les moments merveilleux que nous apporte la nature, voici un poème en vers libres de Jean Bonnet qui décrit l’instant magique d’une matinée d’affût au circaète.Interroger le vert Affût du 12 Avril 2005 interroger le vert pour du blanc ou le vert pour des prunes, quand le roux des chênes blancs devient rose lentement, interroger la masse des arbres qui doucement s’éclaire … parmi les pins sylvestres aux troncs rouges soudain un éclair blanc éclatant deux grandes ailes bougent et dans sa tête brune le regard perçant du circaète Jean le blanc est-ce un serpent pour un rapace … un jour se lève !? Jean BONNET .Photo 8 : Mâle bagué de 18ans (19ème année calendaire). Photo 9 : Femelle baguée de 4 ou 5 ans. (Photo : JP Malafosse) (Photo d’Hervé PICQ)