Suivi et conservation 2 Parc national des Cévennes : protection et nidification 2 Suivi dans les Alpes 4 Le circaète dans l’Aude 5 12 ans de suivi en Isère 6 Exigences écologiques 7 Oiseaux et lignes éléctriques 11 Etude des comportements 12 Gestion des conflits 12 Que font-ils au nid ? 13 International 14 Reproduction en Israël 14 Feeding ecology 15 Yves BOUDOINT 16 Comprendre et Partager Florac 2012 A n’en pas douter, Les 3es Rencontres nationales Circaète des 13 et 14 octobre 2012 resteront longtemps dans la mémoire de ceux qui y ont assisté. Après Langeac (2005), après Nadaillac (2008), ce cours séjour au cœur même du Parc des Cévennes aura permis de constater – si besoin était – que l’engouement pour le Circaète ne faiblit pas. Très certainement, les participants auront apprécié la qualité et la diversité des recherches, mais aussi la splendeur des paysages de Lozère, la convivialité et l’efficacité de l’accueil du Parc et, il faut le souligner ici, l’érudition et la passion de Jean-Pierre Malafosse. Le bulletin présent reprend la plupart des interventions faites au cours de ces journées. Plusieurs ont pour cadre notre pays. D’autres concernent l’Italie et Israël. En effet, des spécialistes venant d’ailleurs avaient fait spécialement le déplacement pour se joindre à nous. Depuis lors, une saison s’est écoulée, et une autre tire à sa fin. A coup sûr, les miettes de connaissance qu’elles nous ont apportées, et celles qu’apporteront les saisons prochaines, permettront d’autres interventions et d’autres rencontres, ainsi qu’une compréhension encore plus fine de ce magnifique rapace qu’est le Circaète. Bernard JOUBERT La plume du circaète n°11 – Juillet 2014 La plume du circaète n°11 – décembre 2014 1Suivi et conservation Protection des sites de nidification du Circaète Jean-le-Blanc en période de reproduction dans le Parc national des Cévennes. Un outil d’information et de dialogue : le périmètre de quiétude L’utilisation de l’espace naturel à des fins professionnelles ou ludiques étant peu règlementée en matière de protection des espèces animales ou végétales, le Parc national des Cévennes (PnC) a décidé de se doter d’un outil permettant un dialogue entre les différents utilisateurs de la nature. Ceci afin d’éviter en amont les nuisances aux espèces protégées et les conflits ou désagréments avec ces utilisateurs. L’élaboration d’un tel outil nécessite en premier lieu de choisir et d’inventorier les espèces cibles devant bénéficier d’une protection, connaître localement leur biologie afin d’optimiser les périodes de quiétude et les mesures à prendre en fonction de leurs besoins spécifiques. Par la suite, il y a lieu d’identifier les activités pouvant causer des perturbations dans le bon déroulement de la reproduction de ces espèces. Contexte local Le Parc national (zone cœur et zone optimale d’adhésion) accueille un grand nombre de couples de rapaces nicheurs (17 espèces de rapaces diurnes) et l’ensemble de ces espèces est protégé par la règlementation nationale. L’article L. 411-1 du code de l’environnement stipule qu’outre la destruction d’individus de ces espèces ou de leur habitat, leur perturbation intentionnelle est interdite. En 1993, une liste d’espèces prioritaires a été établie car toutes les espèces ne peuvent pas bénéficier d’un suivi précis. L’inventaire quasi exhaustif de tous les couples précise maintenant le degré de responsabilité du PnC envers ces espèces et la nécessité d’assurer leur état de conservation. Différentes activités humaines s’exercent sur notre espace protégé et peuvent perturber plus ou moins durablement la tranquillité des espèces protégées durant leur cycle de reproduction. Outre les activités agricoles et forestières, les activités 2 touristiques, sportives ou ludiques peuvent également entrer en contradiction avec la conservation des rapaces. Les perturbations peuvent être lourdes et durables dans le temps (coupes forestières, ouvertures de pistes, sentiers, équipements sportifs…) ou ponctuelles et fugaces. Ces dernières perturbations (passages motorisés ou pédestres près des aires, survol…) sont également négatives selon le contexte. Indirectement, l’abandon de l’aire, même momentané, entraine parfois la perte de la nichée par prédation (Grand corbeau…). Les prédateurs peuvent intervenir dans les minutes qui suivent l’abandon du nid par la femelle. Minimiser les perturbations Pour préserver en amont les espèces prioritaires d’éventuelles perturbations, le Parc national des Cévennes a décidé, si nécessaire, de mettre à la disposition des différents acteurs du territoire concernés une cartographie des zones sensibles autour des aires des rapaces prioritaires. Pour éviter de mettre en défends de vastes zones interdites d’accès (ce choix de zonage est parfois fait dans les espaces protégés d’autres pays), seul un périmètre limité autour de l’aire permet de conserver la quiétude nécessaire à la reproduction en règlementant de manière temporaire les activités de tous ordres. Le périmètre de quiétude Lorsqu’un couple de circaètes, par exemple, est découvert ou qu’une aire nouvelle est construite sur un site de nidification déjà répertorié, un périmètre est tracé autour du nid et correspond au « périmètre de quiétude ». Ce périmètre « virtuel » n’est pas matérialisé sur le terrain mais sur une carte topographique (le gestionnaire forestier peut être associé à l’élaboration du périmètre). Dans le PnC, le périmètre n’est pas forcément circulaire et centré sur l’aire mais il suit au mieux la topographie du terrain pour que la protection de l’aire soit maximale et la zone préservée Circaète Jean-Le-Blanc. Crédit photo Bruno Bérthémy La plume du circaète n°11 – décembre 2014Période de quiétude pour les espèces prioritaires du Parc national des Cévennes minimale. Il est très important que la surface du périmètre soit calculée au plus juste pour éviter un refus des propriétaires forestiers. Le périmètre peut alors être utilisé pour pouvoir planifier des travaux ou une activité sportive en dehors de la période sensible (réfléchir en amont sur les tracés de sentiers, de pistes ou de circuits d’activités pédestres ou motorisées hors périmètre…) Mise en œuvre et suivi du Périmètre Pour le circaète, la période de quiétude est comprise entre le 1er mars et le 15 septembre. Ces dates sont des maxima et peuvent être réduites en fonction des activités demandées et de la date d’envol des jeunes. Cette souplesse nécessite un suivi de la reproduction qui n’est pas toujours possible. Pour que les périmètres de quiétude soient efficaces, il faut au minimum constater annuellement la présence du couple sur le site au début de la saison. Ce travail est fait par les agents du PnC. Dans le cas le plus fréquent, le couple est présent et si des changements d’aires ne sont pas constatés, le périmètre reste actif durant la période de quiétude. Si le couple est absent ou que la reproduction a échouée, les recommandations peuvent être levées en accord avec le gestionnaire. Le périmètre est « désactivé » au bout de trois années d’absence avérée du couple. Le seul suivi de la présence du couple ne suffit généralement pas pour certains secteurs et le repérage de l’aire de l’année s’avère parfois nécessaire. Si le couple change de nid et se réinstalle La plume du circaète n°11 – décembre 2014 à une distance suffisante, un nouveau périmètre est défini pour la nouvelle aire. L’ancien périmètre est alors désactivé mais non éliminé car le couple peut y revenir ultérieurement. Le fait de redéfinir un périmètre évite l’agrandissement progressif de la zone de quiétude qui finit par atteindre des superficies inacceptables. De ce fait, le périmètre de quiétude doit être affecté à une aire et non à un couple. Le suivi de la reproduction a pour intérêt de pouvoir évaluer à long terme l’utilité des périmètres de quiétude. Le fait de noter annuellement la réussite ou l’échec de la reproduction, le nombre de fois que le périmètre de quiétude a joué son rôle de régulateur, montrera l’intérêt ou non du système en termes de bénéfice pour les espèces. Résultats et conclusion Depuis la mise en place des périmètres de quiétude, en collaboration avec l’Office national des forêts, les échecs de reproduction relatifs aux dérangements liés aux activités forestières sont pratiquement inexistants actuellement. Il est donc possible de concilier dans la plupart des cas la gestion forestière et la conservation des rapaces. Le type de gestion forestière aide grandement à la mise en place des préconisations et les coupes d’amélioration successives sont plus favorables au maintien des espèces que les récoltes brutales (coupes à blanc) effectuées sur de vastes surfaces. Si la mise en place des périmètres de quiétude pose assez peu de problème dans les forêts domaniales et soumises au régime forestier, il n’en va pas de même parfois dans le domaine du privé où la gestion, au « coup par coup » de petites surfaces, se trouve souvent sous la contrainte d’une demande de bois à flux tendu. Les préconisations liées au périmètre de quiétude peuvent parfois être considérées comme des contraintes environnementales économiquement ou philosophiquement inacceptables. La bonne volonté des propriétaires est de fait une garantie de succès pour notre démarche. Des actions pédagogiques resteront sans doute encore nécessaires pour faire comprendre aux personnes hostiles l’utilité d’une telle méthode d’approche concertée et les informer sur leurs droits et devoirs en matière d’écocitoyenneté. Evolution future de la protection des sites de nidification Actuellement les périmètres ne sont conçus que pour prévenir la destruction ou le dérangement des espèces protégées. Il ne tient pas compte de la destruction de l’habitat de l’espèce en fin de cycle de l’exploitation forestière. Il sera certainement nécessaire de discuter de cet aspect avec les forestiers car le site lui-même est plus important que l’arbre porteur de l’aire et jouit également d’une protection légale. Un site dépouillé de tous ses arbres devient inutilisable pour l’espèce. Dans ce cas que faire pour pérenniser les sites de nidification ? Pour le Circaète Jean-Le-Blanc, l’exemple naturel des zones incendiées montre que lorsqu’un habitat a été détruit en grande partie mais que quelques arbres ou bosquets ont été épargnés, la recolonisation ou la régénération de la végétation dans un futur assez proche (10/15 ans) permet une réinstallation « anticipée ». Dans d’autres cas où les coupes n’épargnent aucun spécimen, l’absence d’arbres attractifs rend le site impropre à la nidification durant de très longues périodes (> 50 ans). Du travail reste à faire pour aller dans le sens de la protection de l’intégrité des sites de nidification. L’évolution future des préconisations risque d’être considérée comme une contrainte lorsque des arbres devront être conservés. Jean-Pierre Malafosse Parc national des Cévennes malafossejeanpierre@orange.fr 3Le suivi du circaète dans les Alpes de Haute-Provence Figure 1 : Gauche : élévation du site ; mais l’est et le nord-est sont nettement privilégiés. L’aire est souvent située dans la partie inférieure ou médiane du versant (relief positif ). L’aire la plus haute connue à ce jour, est située à 1 600 m d’altitude, en Haute-Ubaye. Les nids sont situés pour près de la moitié d’entre eux, au sommet de l’arbre ; au moins autant, voire davantage, sont construits sur une branche latérale ; très peu sont construits contre le tronc. Droite : couvert forestier du site Quelques observations particulières en 2012 Des conditions naturelles favorables Le département des Alpes de HauteProvence présente trois zones biogéographiques différentes : – les vallées et plateaux (altitude < 1000 m, climat collinéen, meso et supraméditerranéen) sont des zones très favorables à la reproduction ; - les préalpes (600 m < altitude < 1600 m, climat collinéen et montagnard) sont également favorables à la reproduction, - les Alpes (altitude > 1500 m, climat alpin et nival) ne sont quant à elles pas favorables à la reproduction du circaète. Le département, peu habité, offre un important couvert forestier, notamment en pins sylvestres et noirs qui sont des zones de reproduction. Les surfaces ouvertes (territoires de chasse) représentent plus de 50 % de la surface totale (Figure 1). Un suivi initié en 1997 et une coordination en 2011 Le suivi spécifique a été entamé par deux bénévoles et le Parc national du Mercantour dans les années 1997 à 2000. La population de circaètes était estimée à 150 couples en 2001 (J-P. Malafosse & B. Joubert). Vraisemblablement entre 170 et 200 Tableau 1 : évolution des participants au réseau départemental Année 4 Correspondants locaux Observateurs occasionnels 1997-2010 2 5 2011 5 8 2012 6 16 – Ponte de remplacement en HauteUbaye (chute de l’aire par le vent, 1re ponte début avril, 2e ponte autour du 07 mai, envol 29 ou 30 août. Couple fidèle et productif (6 succès/8 ans). – Comportement de surveillance et de défense par une femelle en HauteUbaye (même site). – Deux tentatives de prédation sur oiseaux au printemps (hirondelle sp. et pigeon biset : échecs). – Prédation soupçonnée de poussin de plus quatre semaines par un couple nicheur de goélands leucophées (même couple, 2011 et 2012, à Castellane, Moyen-Verdon). – Dates extrêmes d’observation : 20 couples actuellement. En 2012, la mobilisation repose sur 16 observateurs occasionnels et 6 correspondants locaux. Les observateurs sont essentiellement présents en zone de moyenne et haute-montagne, sur la frange est du département (Tableau 1). Résultats préliminaires du suivi Les premiers résultats révèlent un faible taux de reproduction en 2011 et 2012, inférieurs à la moyenne nationale. Tableau 2 : évolution des couples connus et suivis Années Couples certains Couples probables Couples possibles Couples suivis en reproduction Taux de reproduction Avant 2011 12 11 6 – 2011 18 10 15 19 0,37 2012 19 30 27 23 0,36 – Les mauvaises conditions climatiques, l’effort de suivi en zone de montagne (conditions moins favorables qu’en plaine ou sur plateau), un biais du suivi de la reproduction par manque de temps consacré à certains sites… sont autant d’hypothèses possibles pour expliquer cette productivité (Tableau 2). février (vallée enneigée) et 21 octobre. – Comportement territorial d’un faucon hobereau adulte (Falco subbuteo) sur un jeune circaète âgé de quatre semaines, au nid (trois piqués avec cris, sans contact, avec observateur à un mètre du nid). Caractéristiques des sites dans les Alpes de HauteProvence – Poursuivre l’extension du réseau et de la zone de suivi. – Poursuivre la formation baguage (C. Arnaud) puis demander un programme scientifique de baguage ou raccordement à celui existant (JeanPierre Malafosse). – Poursuivre l’échange de données avec les administrations concernées : Office Les peuplements privilégiés par le circaète sont les bois de pins sylvestres partout où cette espèce est présente, et les bois de pins d’Alep – chênes verts dans les plaines de haute-Provence. Toutes les expositions sont trouvées Objectifs 2013 La plume du circaète n°11 – décembre 2014national de la chasse et de la faune sauvage, Office national des forêts, Parc national du Mercantour, Parc naturel régional du Verdon (intégration au réseau de suivi, synthèse, formation des agents, contacts et anticipation avant travaux forestiers). – Etude du régime alimentaire et du comportement avant et pendant la reproduction à l’aide d’une webcam. – Etude et tentative de validation d’une méthode de sexage des poussins (et des adultes) sans mesures biométriques ni étude ADN. Fig : localisation des couples en 2012 dans les Alpes de HauteProvence. Cédric Arnaud c_arnaud_2000@yahoo.fr Nouveau nid accueillant le poussin (Photo F. BRETON) Nid tombé au sol avec l’oeuf (Photo C. ARNAUD). Le Circaète dans l’Aude (11) Des prospections multi-spécifiques ont été menées dans le département de l’Aude depuis 2006, axées prioritairement sur l’Aigle botté, secondairement sur le Jean-le-Blanc et les autres espèces de rapaces diurnes. Nous n’avons pas pu nous baser sur la base de données de la LPO Aude, inopérationnelle pendant 10 ans jusqu’à la toute récente ouverture de Faune-LR. – Peu de sites de nidification (aires) connus avec précision, pas plus d’une trentaine. – Par contre, des sites nettement plus nombreux sont répertoriés comme secteur de reproduction : le site de nid n’est pas identifié mais un couple niche avec certitude (indice « certain », correspondant aux différents critères utilisés pour les atlas des nicheurs) sur une zone restreinte. – En second vient toute une série de sites où la nidification n’est pas prouvée de façon concrète mais où elle est La plume du circaète n°11 – décembre 2014 considérée comme probable (indice « probable », idem). – Enfin sont inventoriés les sites où l’espèce n’est pour l’instant considérée que comme nicheuse possible (indice possible, id). Ces trois catégories de statut sont actuellement remarquablement équilibrées mais il faut tenir compte du fait que certains secteurs sont encore incomplètement couverts par la prospection. L’objectif est de terminer l’inventaire total des sites, faire glisser le plus possible de sites de possibles en probables, et de probables en certains. Au jour d’aujourd’hui, le nombre de sites se répartit comme suit : 96 certains ; 97 probables ; 96 possibles, soit un total de 289 points listés. En tenant compte du fait que la prospection n’est pas totalement terminée, nous tablons donc sur un effectif départemental de l’ordre de 300 couples de Circaètes, qui place l’Aude au rang des départements détenant la plus forte responsabilité au niveau national en termes de conservation de l’espèce. La répartition de la population a arbitrairement été scindée en cinq grandes zones géographiques : le Razès et la Piège à l’ouest ; le Pays de Sault au sud ; les Hautes-Corbières et Corbières Occidentales au centre ; les Corbières Orientales et Basses Corbières (avec le massif de la Clape) à l’est ; la Montagne Noire – Minervois au nord. Le suivi de la reproduction est à l’aune de celui de pas mal d’autres espèces, nettement trop insuffisant quantitativement et surtout qualitativement, faute de moyens humains. Christian Riols LPO Aude christian.riols-loyrette@orange.fr 512 ans de suivis des Circaètes en Isère La zone d’étude, d’une superficie de 3 700 km 2 , se situe dans la moitié sudest de la France et du département de l’Isère (partie montagneuse). En 2000, un seul couple est connu et la population est estimée à 10 ; 15 couples. De nombreuses prospections individuelles et collectives révèlent, en 2012, 48 sites de nidification. En 2012, le nombre estimé de circaètes de l’Isère s’élève à 80 couples. Ecologie des deux populations iséroises Deux populations peuvent être distinguées en Isère – l’une, la plus dense, se situe dans un milieu de plateaux mamelonnés d’altitude moyenne de 800 ; 900 m, séparés par des rivières présentant de profondes entailles. Les aires se trouvent essentiellement dans les ravins surplombant ces cours d’eaux. – l’autre, plus éparse, occupe les Alpes granitiques et les deux massifs calcaires (Chartreuse et Vercors). Les aires se situent sur le bas des contreforts des versants sauf deux couples occupant le dessus du plateau du Vercors (alt. 1000 – 1200 m). Nette préférence pour le pin sylvestre et l’est Sur 103 aires connues, 98 sont sur des pins sylvestres (Pinus silvestris) et 5 sur sapins (Picéa). L’altitude moyenne est de 698 m (de 380 m à 1 300 m). Sur les plateaux, cette moyenne est de 561 m et les circaètes alpins sont établis à une Zone de prospections des deux populations Iséroises Orientation des aires de circaètes circaètes Alpins n=41 moyenne de 906 m. L’orientation des aires est essentiellement du nord-est au sud-est, les circaètes alpins utilisant également le sud et sud-ouest. La distance minimum connue entre deux aires occupées est de 600 m de part et d’autre d’une crête. La distance moyenne entre les aires est de 3,9 km pour les circaètes des plateaux, de 5,8 km pour les alpins. Les taux de reproduction se rapprochent des données nationales mais le manque d’heures disponibles pour la prospection et le suivi, et la difficulté d’approche des aires ne donnent qu’un aperçu minimum. Observations particulières ou constats A propos des parades Des couples paradent et s’accouplent loin de leur site de reproduction. Les cas observés donnent des distances allant jusqu’à 5 km au max., d’autres 3 ou 2,9 km. Ces couples n’ont pas de concurrents à proximité. Toute la journée, les oiseaux fréquentent cette zone éloignée et se rendent dans leur site de reproduction deux à trois fois très rapidement et y reviennent le soir pour dormir. Les couples observés ont produit des jeunes à chaque fois. Ces cas sont sources d’erreur si l’observateur visite peu les couples. A propos de la fidélité à l’aire Certains couples sont très fidèles à la même aire, restant très confinés dans leur ravin sur une maigre surface (à peine 350 m de long) tandis que d’autres changent souvent d’aires (même en ayant une reproduction réussie l’année précédente) naviguant d’une 6 circaètes des plateaux n=62 année sur l’autre à plus de 1,250 km de distance. Notre œil humain n’a pas déterminé à ce jour le pourquoi de cette attitude. Les interactions avec l’aigle royal Le nombre de couples territoriaux d’aigles royaux et de jeunes erratiques est en augmentation en Isère (29 couples en 2000, 43 en 2011). Les aigles perturbent et concurrencent les circaètes sur leur site de nidification : trois cas sont connus de disparition du couple de circaète et un cas de destruction d’œuf ou jeune par un aigle immature a été noté. Dans deux cas, le versant occupé par les circaètes sert «d’ascenseur» lors des trajets quotidiens du couple d’aigles. Quelles sont les perspectives ? En conclusion, la jeunesse de ce suivi ne permet pas de statuer sur une diminution ou une augmentation des couples de circaètes en Isère. Des questions restent en suspens : – reste-t-il des couples à découvrir ? (probablement) – quelles sont les influences : de la disparition des terrains de chasse favorables constatée d’après d’anciennes photographies datant de 1900 ; de l’augmentation de la population d’aigles royaux gênant ou privant le circaète de lieux de nidification ; de l’expansion des maisons résidentielles, des sports de loisirs et autres… Une dizaine d’années de suivis nous en dira peut-être plus ? Françoise Chevalier chevalierfrancoise@neuf.fr Coordinatrice réseau circaète LPO Isère La plume du circaète n°11 – décembre 2014Aigle botté et Circaète Jean-le-Blanc : exigences écologiques et expériences de gestion. Le programme LPO/ONF «Oiseaux des bois 2007-2011» est né en 2006 des échanges réguliers entre la LPO et l’ONF et d’une volonté commune de mieux prendre en compte la préservation de l’avifaune au sein des forêts feuillues de plaine. Trois forêts ont été choisies en France continentale pour mener à bien ce projet, la forêt de Moulière (Vienne), la forêt d’Orléans (Loiret) et la forêt d’Orient (Seine et Aube). Ces forêts sont toutes trois des forêts de production situées en plaine. L’enjeu est donc important puisque la sylviculture qui y est pratiquée implique des coupes de bois régulières (amélioration et régénération des peuplements) mais aussi divers travaux sylvicoles visant à orienter le faciès forestier des jeunes peuplements. Concernant la forêt d’Orléans, l’étude a concerné trois espèces de rapace présentant un intérêt majeur en terme de conservation : l’aigle botté, le circaète Jean-Le-Blanc, et le busard Saint-Martin. L’étude de ce dernier a été réalisée par Loiret nature environnement, association départementale relayant les missions de la LPO dans le Loiret. L’ONF a été chargé d’étudier le circaète et l’aigle botté. Quelques inventaires non exhaustifs avaient permis au début des années 2000, d’estimer la population nicheuse de circaète à une dizaine de couples et celle de l’aigle botté à 20-25 couples. Afin de mieux comprendre les interactions entre les coupes de bois et la présence de ces deux espèces, il nous a donc fallu mener un premier travail de prospection en 2007 afin de localiser un maximum d’aires et de mettre à jour l’estimation des populations, puis actualiser chaque année la localisation des aires. Biologie du circaète en forêt d’Orléans La forêt d’Orléans représente de forts enjeux de production en chêne et pin. Elle inclut 32 177 ha classés en Zone de protection spéciale. Considérant qu’un territoire de Circaète représente environ 2250 La plume du circaète n°11 – décembre 2014 Ha de forêt, il est possible de différencier une centaine de parcelles. 20 territoires occupés sur lesquels évoluent autour de 12 couples reproducteurs chaque année sont identifiés. Suivi des aires Avant 2007, un maximum de trois couples était connu chaque année sur l’ensemble Circaète Jean-le-Blanc. Crédit : Julien Thurel de la forêt d’Orléans. A l’issue de ces cinq années d’études, nous avons Aux couples dont les nids ont été certes amélioré nos connaissances sur trouvés s’ajoutent des couples observés son abondance et sa répartition, mais en parade, défense de territoire ou ce rapace reste toutefois un nicheur encore transport de proie pour lesquels régulier aux effectifs modestes en forêt aucune aire n’a pu être localisée. d’Orléans. Entre 2004 et 2011, 23 aires ayant Adulte couvant, juvéniles non accueilli une reproduction ont été volants ou juvéniles à peine localisées. Elles correspondent à volants. 14 « territoires » régulièrement En comparant nos résultats (Tableau répartis sur les trois unités de gestion 1) avec un autre territoire français de la forêt d’Orléans. L’année 2007 fut favorable à l’espèce, nous observons l’année où le plus grand nombre de une densité près de deux fois inférieure couples a été recensé puisque neuf à celle observée sur la moyenne des aires était connues. Les délocalisations, 4 secteurs biogéographiques du Parc les changements de partenaires ou National des Cévennes en 2010 qui est encore les disparitions d’individus de 7,05 cples/100 km2 et de 1417 ha/ ont compliqué les prospections qui cple. ont succédé. De fait, nous n’avons pu En revanche, le Mont Lozère, secteur suivre que 5 aires en 2008 et 2009. de 70 000 ha le moins favorable au Les prospections réalisées en 2010 et Circaète Jean-le-Blanc dans le Parc 2011, nous ont quant à elles, permis de collecter davantage d’informations avec national des Cévennes, présente des effectifs similaires à ceux de la forêt 8 aires localisées. Tableau 1 : éstimation des populations pour 2007 et 2011 Année Couples Couples Couples certains probables Total Superficie Nb cple Surface/ (ha) pour 100 cple (ha) km2 2007 11 3 4 18 45 000 4 2500 2011 12 5 3 20 45 000 4.4 2250 Légendes : – Couples certains : transport de proie sur une grande distance, passage de proie entre deux individus, nid avec œufs ou poussins, adulte couvant, juvéniles non volants ou juvéniles à peine volants. – Couples probables : vols et cris de parade nuptiale (un individu), vols nuptiaux (deux individus), défense territoriale (cris d’alarme lors du passage d’un prédateur éventuel, attaques sur autre rapace ou corvidés), transport de matériaux, construction ou aménagement d’un nid, adulte posé sur un nid, plumoirs ou lardoirs, plume de mue, individus cantonnés, comportement territorial de deux oiseaux (chants, …) obtenu sur un même site (à plus d’une semaine d’intervalle), en période de reproduction, dans un milieu favorable. – Couples possibles : un ou deux individus en période de nidification dans un milieu favorable, observations répétées d’adultes dans un habitat favorable, mâle chanteur en période de reproduction dans un milieu favorable. 7d’Orléans avec 4,3 cple/100 km2 et 2333 ha/cple. Bien que régulièrement répartie, la « population orléanaise » de Circaète Jean-le-Blanc reste modeste tant en terme d’effectif que de dynamisme. Figure1. Productivité moyenne annuelle pour le Circaète jean-Le-Blanc de 2007 à 2012 Réussite de la reproduction Sur la période 2007-2011, nous observons une productivité moyenne de 0,47. (Figure 2) Seuls 16 jeunes ont donc pris leur envol sur 5 années de reproduction. Cette moyenne cache de fortes disparités annuelles puisque la productivité varie de 0,13 en 2010 à 0,80 en 2008. Les années 2007, 2009 et 2011 sont davantage représentatives avec respectivement 0,44, 0,60 et 0,57 jeune à l’envol par couple reproducteur. Pour exemple dans les Cévennes, la productivité moyenne sur 19 années de suivies est de 0,54 juvénile par couple reproducteur. Nos résultats portent sur un nombre de reproduction trop faible pour être affirmatif, mais la productivité de la population orléanaise pourrait être plus faible que dans les « bastions » français de l’espèce. La situation géographique de la population orléanaise, limite d’aire de répartition, peut être une explication. Outre la faiblesse de nos résultats, la non détection de couples reproducteurs échouant tôt en saison apporte un biais à nos résultats. A contrario, aucune observation de juvéniles volants n’a été réalisée malgré une forte pression d’observation en dehors des territoires pour lesquels une aire était connue. Il est ainsi plus probable que nous soyons passés à côté de couples reproducteurs ayant échoué que de couples reproducteurs ayant produit un jeune. De ce fait la productivité moyenne observée entre 2007 et 2011 est vraisemblablement inférieure à 0,47. Nous ne sommes pas en mesure d’établir de lien entre la productivité observée et le seuil de renouvellement de la population. L’espèce semble cependant avoir une dynamique positive à l’échelle nationale et il n’est pas improbable que les couples « du sud » alimentent en partie les populations plus « nordiques». la date d’envol pour 14 d’entre eux. 100 % des oiseaux se sont envolés au courant du mois d’août. D’autre part, ces envols sont régulièrement répartis sur l’ensemble du mois d’août. Fin des années 90, une aire de Circaète Jeanle-Blanc a même été contrôlée début septembre avec un juvénile non volant (Alban Larousse Com. Pers.). L’envol des juvéniles s’étale donc sur une durée d’un mois entre début aout et début septembre. Outre la réussite de la reproduction, la situation géographique de cette population semble avoir une incidence sur les dates d’envol, plutôt tardives, puisque les premiers juvéniles s’envolent dès le début de la 3ème décade de juillet dans de nombreuses régions. Calendrier de la reproduction A partir des diverses observations de terrain et suivis de nid, nous avons pu schématiser l’organisation temporelle de la reproduction du Circaète Jean-leBlanc dans le Loiret. Ces résultats sont en concordance avec la « clause rapace » que nous appliquons pour les aires occupées pour plusieurs espèces dont le Circaète Jean-le-Blanc. Coupes et travaux interdits du 1er mars au 1er septembre dans les 300 m autour du nid Fidélité au site de reproduction Réoccupation, changement d’aire et de territoire Globalement entre 2004 et 2011, seule la moitié (52,8%) des aires a été reprise d’une année sur l’autre. Malgré le faible nombre d’aires connues chaque année, des variations interannuelles sont visibles. Ainsi, les 3 aires connues en 2006 ont toutes été réoccupées en 2007. A contrario, sur les 5 aires connues en 2008, une seule fut reprise en 2009. Globalement entre 2004 et 2011, près des deux tiers (63,9%) des territoires ont été repris d’une année sur l’autre. Ainsi, une partie des oiseaux qui ne réoccupent pas l’année n l’aire utilisée l’année (n-1), réoccupent néanmoins le Figure2. Organisation temporelle de la reproduction du Circaète Jean-le-Blanc dans le Loiret Envol des juvéniles Sur les 16 juvéniles qui ont pris leur envol en forêt d’Orléans entre 2007 et 2011, nous avons pu déterminer 8 La plume du circaète n°11 – décembre 2014territoire mais utilise une autre aire. De 2006 à 2011, période sur laquelle le suivi a été plus soutenu, un seul couple s’est reproduit avec certitude chaque année, occupant 2 aires différentes. Ainsi, aucune aire n’a été occupée chacune des 6 années. Si nous ne fixons pas de période à cette analyse, 2 couples ont occupé une même aire durant cinq ans et un couple a occupé avec certitude le même territoire durant huit ans (les 2 suivants seulement 5 ans). Enfin, d’autres territoires semblent avoir été fréquentés entre 5 (3 couples) et 7 années (1 couple), mais sans que la reproduction puisse être prouvée chaque année. Les connaissances hétérogènes de l’espèce ne nous permettent pas de réaliser de véritables analyses. Les 2 couples les plus mobiles ont occupé 3 aires différentes entre 2007 et 2011 5 autres couples connus semblent n’avoir occupé que 2 aires différentes depuis que nous les connaissons.Nous pouvons néanmoins affirmer qu’aucun couple n’a occupé une seule et même aire plus de cinq années entre 2004 et 2011. Délocalisations Entre 2006 et 2011, 9 aires ont été retrouvées suite à l’abandon du précédent site de reproduction. Même si ces données ont nécessité de nombreuses heures pour être récoltées, ce chiffre est trop faible pour aboutir à des conclusions rigoureuses. Ainsi, plus de la moitié des nids ont été retrouvés dans les 200 m autour de l’aire précédemment occupée. Mais ce constat est certainement biaisé par quelques aires construites à plusieurs centaines de mètres voir un ou deux kilomètres de l’aire précédente et qui n’auraient pas été détectées (même si elles ne sont pas nombreuses). De la même façon, nous observons une moyenne de délocalisation de 278 m qui serait certainement plus forte dans la réalité des faits. Concurrence interspécifique 12 cas de reproduction simultanée à moins de 300 m d’une aire d’aigle botté (Distance moy. 177 m, et 90 m. pour la plus courte), concernant 8 couples différents. La Buse variable (4) et l’Aigle botté (2) sont les seuls rapaces qui à ce jour ont réutilisé une aire de Circaète. Seules la Buse variable et la Corneille noire manifestent des signes d’agressivité réguliers, bien que le Faucon hobereau soit peu tolérant. Les habitats de reproduction Une fiche a été créée afin de caractériser les habitats de reproduction. Celle-ci a été renseignée sur des sites contenant des aires, mais également sur des sites n’en contenant pas mais sur lesquels l’habitat semble favorable, afin de mettre en évidence d’éventuelles différences. Parcelles avec des aires En forêt d’Orléans, les aires de Circaète Jean-Le-Blanc se retrouvent majoritairement dans des pins sylvestres (19 pins sylvestres pour un pin laricio). La hauteur des aires est alors identique quel que soit le massif forestier et augmente avec la hauteur de l’arbre sans différence significative entre les massifs. L’absence d’interaction entre la hauteur totale de l’arbre et le massif indique que quelle que soit la hauteur totale de l’arbre, la Figure 3 . Distance de délocalisation du circaète Jean-Le-Blanc de 2006 à2012 (n=11) (Distance séparant l’ancien nid du nouveau en cas de changement de site de nidification) La plume du circaète n°11 – décembre 2014 hauteur de l’aire sera similaire pour les massifs d’Ingrannes, de Lorris. Cette hauteur de l’aire dans l’arbre n’est pas liée au diamètre de l’arbre, à la hauteur du houppier structurel ou à la surface terrière. L’étude de l’abondance relative des aires, nous montre qu’elle ne varie pas en fonction du couple ; situation dans le houppier et branche porteuse ; mais ces paramètres pris un à un montrent une différence. Ainsi, les aires sont situées majoritairement dans le tiers supérieur du houppier dans l’axe du tronc. Tandis que l’aire est en majorité soit portée par la branche horizontale soit située sur l’axe du tronc. 19 aires sur les 20 étudiées sont à découvert et ces dernières se distribuent de façon homogène dans chacune des 5 orientations. Nous constatons par contre que la forme étalée est la forme de houppier majoritairement utilisée pour la construction des aires. L’étude de leur proportion selon cette forme de houppier montre un déséquilibre entre chacune des 3 formes et confirme la dominance de la forme étalée sur l’ensemble des arbres. L’étude des proportions des arbres avoisinant l’arbre porteur en fonction de leur disposition selon les 4 points cardinaux montre une absence de différences. La réalisation d’une AFCM (analyse factorielle des correspondances multiples) nous permet d’étudier les liens existant entre l’arbre porteur et ceux qui l’entourent. Les arbres avoisinant l’arbre porteur de l’aire sont donc organisés selon 2 modèles : les Parcelles sans aire ou parcelles avec aires Par les analyses comparatives entre parcelles avec ou sans aires, nous cherchons à avoir des informations sur les raison de l’absence ou de la présence de nidification du circaète Jean-Le-Blanc. Nous constatons qu’il existe une différence significative entre les arbres avec ou sans aires au niveau de la hauteur totale de l’arbre, de la hauteur du houppier, du diamètre de l’arbre et de la surface terrière. Ainsi, les arbres sans aire présentent en moyenne une hauteur totale et une hauteur du houppier plus élevées que ceux avec des aires (hauteur totale : 25,38 m versus 22,53 m ; hauteur houppier : 10,93 m versus 6,65 m). A l’inverse, le diamètre et la surface terrière sont plus élevés 9pour les arbres qui abritent des aires (Diamètre : 54,28 m versus 48,55 m ; surface terrière : 20,03 m versus 15,27 m). L’analyse des proportions d’arbres non occupés selon la forme du houppier montre qu’il n’existe pas de déséquilibre entre les 3 formes. L’analyse de la hauteur du sous-étage et de l’étage dominant montre une différence entre les sites occupés et non occupés par les rapaces uniquement pour l’étage. Ainsi, la hauteur moyenne pour l’étage dominant est plus élevée pour les arbres non occupés 25,37 m que pour ceux occupés 23,45 m. De plus, l’analyse du pourcentage de recouvrement de ces mêmes étages montre une différence significative entre les parcelles occupées et non occupées pour le sous-étage, alors que cette même différence n’existe pas pour l’étage dominant. En effet, le pourcentage de recouvrement du sousétage en l’absence d’aire varie de 51 à 100% alors que, lors de leur présence, ce pourcentage va de 0 à 100 %. L’analyse des distances par rapports aux différentes infrastructures au plus près de l’arbre considéré porteur ne montre pas de différence significative au niveau des distances aux infrastructures touristiques, aux changements de peuplement, aux lisières ouvertes, au cloisonnement, aux habitations et aux milieux aquatiques. De façon identique, la distance aux plus proches lisières externes du massif forestier ne présentent pas de différence significative entre les parcelles avec ou sans aire. Toutefois dans ce cas, le résultat obtenu doit être utilisé avec parcimonie car la probabilité est relativement proche du seuil de significativité de 5 %. l’évaluation de la ZPS Des connaissances biologiques et écologiques de l’espèce en limite de répartition septentrionale. Le circaète est classé espèce patrimoniale prioritaire en forêt d’Orléans impliquant une adaptation de la gestion forestière aux abords des nids (mesures en cours de discussions pour la rédaction d’une note nationale pour les forêts de plaine) Une définition d’un périmètre agricole autour de la ZPS forestière sur lequel des MAET (Mesures agrienvironnementales territorialisées) ont été mises en place. Cette étude contribue à obtenir un recul sur l’analyse de la population française et alimente la connaissance collective nationale. Ce que nous apportent ces données Axelle Grenet Julien Thurel ONF Réseau Avifaune Un état zéro de la population locale et Oiseaux et lignes électriques : le Comité national avifaune (CNA) et son médiateur Le CNA Quand et comment s’est constitué le CNA ? En 2003, devant l’inertie de réaction du groupe EDF aux cas constatés de mortalité des oiseaux avec les infrastructures de lignes électriques, la LPO provoque une rencontre afin de favoriser une meilleure coordination sur cette problématique. Cette démarche se concrétise par la création en février 2004 d’une instance nationale de gouvernance écologique originale rassemblant les principales fédérations naturalistes et les gestionnaires de réseaux électriques : le Comité national avifaune, constitué de la LPO, FNE (France nature environnement), RTE (filiale de transport d’électricité d’EDF) et ERDF (filiale de distribution d’électricité d’EDF). Les objectifs du CNA Les objectifs du CNA sont les suivants : définir les chantiers prioritaires (Plans nationaux d’actions, Zones natura 2000, …), diffuser les bonnes pratiques, aider à la résolution des différents locaux, faire en sorte que chaque euro dépensé pour limiter l’impact des lignes électriques le soit au mieux, Son fonctionnement Chaque trimestre, une réunion du CNA 10 est organisée. Un bulletin d’informations « Oiseaux et lignes electriques » (OLE) est édité à raison de deux à quatre numéros par an. Ils sont destinés aux agents électriciens et aux réseaux des associations. Au CNA, la LPO est représentée par Benjamin Kabouche (LPO PACA) et Yvan Tariel (Mission rapaces). Les quatre partenaires animent leurs propres réseaux de correspondants. Dossiers traités par le CNA Les principaux dossiers traités depuis la création du CNA sont les suivants : – inventaire des matériels efficaces pour la protection des oiseaux (guide technique ERDF en collaboration avec la LPO PACA), – expérimentation de nouveaux matériels (balises suédoises Hammarprodukter pour ERDF, plateformes intégrées aux pylônes RTE pour implantation de nids), – aide à la rédaction de conventions locales et de chartes régionales, – 2 séminaires organisés en 2004 et 2009 pour l’ensemble des représentants des 4 partenaires, – diffusion du bulletin d’informations OLE, – création d’un kit de formation à la problématique avifaune pour les agents RTE et ERDF, … Dossiers en cours de discussions Les dossiers principaux actuellement en traitement au sein du CNA sont les suivants : la problématique de l’élagage sous les lignes électriques, l’intégration de la démarche trame verte, la priorisation de la protection de l’aigle de bonelli, l’expérimentation d’une nouvelle balise de visualisation des lignes RTE en montagne (suite à l’incompatibilité technique des balises existantes) et la mise en place d’une démarche de bilan annuel des aménagements réalisés, etc. Mécénat de compétences : médiateur environnemental Le mécénat de compétences correspond juridiquement à une mise à disposition de personnel par le mécène, qui peut prendre la forme d’une prestation de services ou d’un prêt de personnel. Fin 2009, lors du séminaire organisé par le CNA, le Président de la LPO émet le vœu de la création d’un poste de chargé de mission « Oiseaux et lignes électriques » afin de faciliter la coordination des actions. En 2010, les quatre partenaires décident de créer un poste de « Médiateur environnemental » dans le cadre d’un mécénat de compétences de la part de RTE et ERDF sous la forme d’un prêt de personnel. La plume du circaète n°11 – décembre 2014Le poste de médiateur Il est occupé par Philippe Féron, ingénieur ERDF, depuis le 1 er septembre 2011, pour une durée de 3 ans (reconductible). ERDF reste son employeur au regard de ses obligations juridiques et sociales : il est détaché à la Mission Rapaces de la LPO à Paris, RTE et ERDF prenant en charge à part égale les frais générés par sa mission. Philippe Féron participe au CNA depuis sa création puisqu’il était Attaché Environnement à ERDF en charge notamment de la problématique avifaune, et précédemment à RTE. Les missions du médiateur Ses principales missions sont les suivantes : coordonner le CNA, faciliter le dialogue entre les différentes parties, animer les relations entre les associations ornithologiques et les entreprises de réseaux électriques, émettre des conseils techniques pour l’équipement des réseaux électriques, mettre en place en tant que de besoin les protocoles de suivi des équipements de réseau afin d’en déduire les bénéfices pour l’avifaune et l’adéquation équipement – espèce et permettre la mise en place d’une procédure de bilan annuel des équipements et opérations réalisés, etc. Il établira annuellement un bilan de son activité, avec ses propositions d’amélioration, les anomalies constatées et les difficultés rencontrées. Circaète balisé Crédit photo : Guilad Friedeman Organisation avec les associations locales Philippe Féron est détaché à la Mission rapaces de la LPO et Yvan Tariel encadre sa mission de médiateur pour le compte de la LPO et de FNE. Il se déplace à la rencontre des associations locales afin de faire un bilan de situation ; son planning de déplacements est fonction des opportunités d’opérations locales et de projets en cours d’études. Il est à la disposition de l’ensemble des associations pour tout sujet relevant de sa mission. Apports du médiateur : Le CNA a son site Internet Mis en ligne cette année, le site CNA vous donne accés à ces dossiers, aux pages partenaires, aux actualités du comité ainsi qu’à toutes les publications relatives au CNA. Parmis ces publications, vous trouverez les bulletins Oiseaux et lignes électriques. Ils résument les actions du CNA. et présentent les témoignages et actualités des parties-prenantes de ces actions. Chaque bulletin développe une nouvelle thématique afin de vous informer au mieux. Retrouvez sur http://rapaces.lpo.fr/ cna-oiseaux-et-lignes-electriques le site internet du CNA. – recherche du bon interlocuteur local RTE ou ERDF, – intervention auprès de RTE ou ERDF si problèmes divers non résolus lui ayant été précisés par les associations locales. Attentes du niveau national (LPO Mission rapaces) envers les associations locales Afin d’alimenter le bulletin « Oiseaux et lignes électriques » et diffuser notamment les « bonnes pratiques » à tous les correspondants, la Mission rapaces de la LPO souhaite que les associations locales lui envoient toute information (traitement de ligne, retour d’expérience, opération de communication, signature de convention,…) qu’elles souhaitent porter à la connaissance de l’ensemble des parties. Le bilan national annuel des équipements et opérations réalisées qui constitue un des principaux objectifs du CNA se constituera sur la base des bilans locaux consolidés, les associations concernées sont donc appelées à constituer, avec leurs interlocuteurs ERDF et RTE, leurs bilans annuels de réalisation. Le niveau national LPO s’appuie enfin sur l’ensemble des associations locales afin de parfaire la connaissance et le suivi de l’impact des lignes électriques sur le territoire national. Philippe Feron Médiateur du CNA Philippe.feron@lpo.fr Yvan Tariel LPO Mission rapaces yvan.tariel@lpo.fr La plume du circaète n°11 – décembre 2014 11ETUDE DES COMPORTEMENTS La gestion des conflits chez les circaètes L’intention première de l’exposé est de faire partager l’enthousiasme pour l’écologie comportementale au travers d’un exemple pris chez les circaètes, celui des conflits. Deux types de conflits peuvent apparaître : les conflits interspécifiques et les conflits intraspécifiques. Les conflits interspécifiques ne sont pas traités. Tout juste sont-ils évoqués afin d’avoir un aperçu sur l’agressivité des circaètes. De l’observation de 174 rencontres interspécifiques notées en Haute-Loire en l’espace de 17 ans, il ressort que les circaètes sont très tolérants vis-à-vis des espèces qu’ils côtoient puisqu’ils ont montré seulement 9 fois des signes d’agressivité, alors que 105 fois ils furent agressés (60 rencontres de type neutre : pas d’agression ni du circaète, ni de l’autre oiseau). Les rencontres intercircaètes sont de toute autre nature. Très souvent elles se manifestent par des comportements ritualisés plus ou moins agressifs. Les conflits intraspécifiques naissent quand il s’agit de conserver ou de s’approprier une ressource (nourriture – partenaire – espace) déjà convoitée par un autre individu. La ressource espace donne lieu à de nombreux conflits. Par espace, il faut entendre : site de nidification – zones de chasse – aire – points particuliers (ces derniers ne présentent parfois aucun intérêt vital mais paraissent être des bornes auxquelles les oiseaux attachent de l’importance). Il est rare qu’un conflit dégénère en combat réel. La plupart du temps, les circaètes affichent des comportements ritualisés. Ceux-ci mettent fin au conflit avant des contacts physiques préjudiciables pour les deux protagonistes. Les écologistes comportementaux ont modélisé le déroulement des conflits ritualisés chez les animaux. Ainsi, le Modèle d’évaluation séquentielle (= SAM) donne les grands traits théoriques du déroulement d’un conflit. D’autres modèles basés sur celui appelé Guerre d’usure (= WOA) ont été proposés afin d’expliquer comment, sur un plan évo12 Fin mars, offrande d’une proie par le mâle sur l’aire. Crédit photo : B.Joubert lutif, la fin d’un conflit apparaît alors qu’aucun des adversaires n’a été blessé. Le modèle SAM est dans ses grandes lignes validé par les circaètes. Pour évaluer l’autre ou bien pour être évalué par lui, il faut obligatoirement qu’il y ait communication. L’outil de communication utilisé par le circaète est son corps, au sens large du terme. Des messages agressifs sont envoyés par certaines parties du corps (diamètre de la pupille), par des postures (l’ange – l’albatros), par des actes (vols de confrontation), par la tenue du plumage (bosse nucale). Par rapport au modèle théorique, le circaète se montre original dans la mesure où il fait intervenir le facteur distance : il ne déploie pas les mêmes rituels, n’utilise pas les mêmes outils, selon l’éloignement de l’intrus. Notons que certains messages ont plusieurs fonctions : un même comportement peut être un acte intégré dans le rituel de conflit, et aussi être orienté vers le partenaire sexuel. Au cours d’un conflit, l’agressivité augmente progressivement d’intensité. Avant d’aboutir au contact physique, un des adversaires abandonne la partie. Les écologistes comportementaux expliquent cela par une asymétrie de motivation. La motivation d’un circaète est quelque chose de difficile à évaluer, d’autant plus qu’elle varie dans le temps et l’espace. Parfois on peut l’entrevoir dans certaines situations, notamment lorsque deux individus viennent chasser presque simultanément sur une même zone, zone considérée comme propriété par un des circaètes, et reconnue comme propriété du voisin par l’autre. S’il est un fait que des circaètes voisins entrent souvent en conflit, on constate parfois que les oiseaux cherchent à éviter les conflits, ce qui est une bonne façon de … les résoudre ! Un exemple classique de détour de trajectoire pour accéder à un terrain de chasse – détour motivé par l’évitement d’une aire active – est régulièrement observé dans les gorges de l’Allier (Haute-Loire) où deux couples nichent à 500 mètres l’un de l’autre. Pour finir, la compréhension des comportements des circaètes est difficile. Dans un premier temps, l’observateur est incapable d’interpréter ce qu’il voit. Puis, à mesure que les observations se multiplient, la lecture des comportements devient plus intelligible. Peu à peu, nous devenons capables de comprendre les messages envoyés par les oiseaux, mais saurons-nous un jour parfaitement lire le monde qui nous entoure ? Bernard JOUBERT La plume du circaète n°11 – décembre 2014Que font-ils au nid avant la ponte ? La mise en place d’un affût terrestre à proximité d’une aire dans un site reculé de la haute vallée de l’Allier (HauteLoire) a permis au printemps 2012 d’observer des comportements à l’aire dès le retour des oiseaux. Les observations en période de préponte n’ont jamais été réalisées de façon continue. L’opportunité offerte (aire à faible hauteur – site en pente permettant un affût terrestre à une vingtaine de mètres – approche cachée etc.) était exceptionnelle. Des photographies ont ainsi pu être réalisées avec un appareil modeste du début jusqu’à la fin, c’est-à-dire de la période de cour nuptiale à l’envol du jeune (début août) et même au-delà (mi-septembre). En Haute-Loire, les circaètes reviennent autour du 11 mars. Ils pondent en moyenne autour du 14 avril (pleine période : du 6 au 21 avril). Dans le site surveillé en 2012, la probabilité de réoccupation de l’aire est de 60 %. Le taux de réussite y est de 0,83 (n = 17). Dès son arrivée, le mâle inspecte le nid. Puis il fait savoir à son entourage qu’il en est le propriétaire (posture de l’ange). Au besoin, il défend son bien en envoyant des messages clairs (posture de l’albatros), en se montrant menaçant (bosse nucale – tête fine), voire en faisant le coup de poing (combat sur le nid). Ces formalités étant faites, il s’attelle à la restauration ou à la construction avec des rameaux collectés dans les environs. Il tourne des branchettes déjà posées, creuse la cuvette et essaie le tout (le mâle a tenu l’aire plus de 2 heures comme s’il couvait). De temps en temps, il s’octroie un peu de repos, fait un brin de toilette … tout en guettant la venue de la femelle. Le mâle attire celle-ci en lui montrant son intérêt pour le nid (posture de prosternation) et en lui indiquant que c’est là qu’il faudra pondre (couple avec le mâle offrant un rameau). Le mâle ne lésine pas sur les cadeaux, alimentaires ou non (offrandes de lézard vert – de vipère – d’un rameau). La femelle se montre moins active et moins sur la défensive que le mâle (diverses tenues du plumage). Si tout se déroule bien, ils pourront enfin s’unir (couple sur l’aire, les 2 oiseaux se regardant) et auront un poussin (poussin de 7 jours contre sa mère). Bernard JOUBERT 20 mars sur l’aire. Le mâle avec une proie exhibe une bosse nucale. Crédit photo : B.Joubert La plume du circaète n°11 – décembre 2014 13International Modifications dans l’abondance et dans la reproduction de deux rapaces nicheurs, dues aux interférences humaines, en Judée (Israël). Les populations de rapaces sont menacées par beaucoup de changements de leur environnement, parmi lesquels la destruction des habitats, les ressources en nourriture, l’empoisonnement direct et indirect, les électrocutions, le pillage des nids et les dérangements humains en période de reproduction. Une des espèces qui a subi une crise sévère dans les années 1960-1970 et qui était au bord de l’extermination, est la Buse féroce Buteo rufinus, espèce peu étudiée. La modification des habitats est la seconde cause majeure de menace de la biodiversité. Pourtant, les effets de cette modification sur les populations de rapaces ont été rarement étudiés. Les efforts de protection doivent s’appuyer sur des connaissances scientifiques. Dans l’intention de préserver les populations de rapaces en Israël et ailleurs, plus de données sur leur reproduction et leur écologie sont nécessaires. Jusque dans les années 1980, au moins 31 couples de buses féroces nichaient le long des cours d’eau des montagnes de Judée, souvent sur des falaises. Au cours des 40 dernières années, la reproduction dans ces zones a substantiellement diminué, avec beaucoup de couples qui nichent actuellement dans une nouvelle zone – le piémont de Judée -, plutôt sur des arbres que sur des rochers, contrairement à ce que rapporte la littérature. Dans notre étude précédente, nous avions suggéré que ces drastiques changements géographiques et comportementaux étaient probablement dus à un accroissement de l’occupation des montagnes de Judée qui a eu lieu lors de ces quatre dernières décennies, consécutivement à une reforestation massive, à l’extension de la colonisation humaine et au développement du maquis méditerranéen (Friedemann et al. 2011). Les buses chassent dans des habitats ouverts et le changement de la couverture du terrain a gêné leur capacité de repérage des proies. Puisqu’il n’y a pas de sites rupestres appropriés dans le piémont de Judée, les buses ont été obligées d’adopter à un nouveau style de nidification. En outre, nous avons trouvé plusieurs indications sur l’existence d’une intense compétition entre les buses et une autre espèce locale du piémont, le Circaète, à propos de la nourriture et des sites de nidification, ce qui provoque une influence réciproque sur leurs taux de réussite. Nous pensons que l’installation d’une population de buses féroces (~40 couples) dans l’aire traditionnelle de reproduction des circaètes (~100 couples) a augmenté et même engendré une compétition agressive. Ces découvertes ont des implications scientifiques et écologiques importantes. Le changement de couverture des milieux dû à l’homme n’a pas seulement eu un impact sur une population entière de buses qui a délaissé sa zone historique de reproduction, mais a également joué sur la population locale de circaètes en raison du transfert d’une espèce nouvelle et compétitive dans son aire habituelle de nidification. De plus, nous pensons que cette colonisation de buses n’est pas terminée et que d’autres couples viendront s’établir, avec un impact négatif sur la densité des circaètes reproducteurs de cette région. Comme mentionné, nous suggérons que la compétition peut être divisée en deux composantes : compétition trophique et compétition pour les sites de reproduction. La compétition entre espèces peut influer sur la distribution des espèces, le taux d’implantation, la taille d’une population, la biodiversité et même le taux d’extinction spécifique. Nous pensons également qu’une compétition forte entre buses et circaètes se manifeste par une influence réciproque et négative dans leurs reproductions. Cette compétition n’ayant jamais été documentée, la découverte sur l’écologie reproductive des deux espèces est à la fois importante et intéressante. Sa Combat entre circaète et buse féroce Crédit photo : Guilad Friedman 14 La plume du circaète n°11 – décembre 2014compréhension nous aidera à mieux cerner les facteurs nécessaires dans la préservation des populations de rapaces. Puisque les rapaces sont d’excellents bio indicateurs sur la qualité des écosystèmes, nos découvertes permettront d’aider à la préservation des habitats ouverts. Cette recherche a donc des implications écologiques et scientifiques importantes pour la conservation de la nature. Nos deux principaux objectifs sont d’améliorer la compréhension des facteurs nécessaires à la préservation des deux espèces et d’établir une politique de gestion de la nature. En conduisant une recherche importante et en sensibilisant le public à la protection des rapaces, nous pensons pouvoir atteindre ces objectifs. Au cours des saisons 2011 et 2012, nous avons trouvé chaque année 32 nids actifs de buses et 61 nids de circaètes. Cette densité importante est probablement une des plus élevées du monde. Jusqu’à présent, nous avons équipé de balises GPS 19 oiseaux adultes nicheurs : 9 buses et 10 circaètes. Les résultats donnés par les balises ont débouché sur deux découvertes majeures. 1Phénomène de migration inversée La population de buses féroces de Judée est migratrice, contrairement à ce qu’avance la littérature qui considère l’espèce comme sédentaire. De plus, le schéma inhabituel de leur migration est totalement différent de celui des autres oiseaux et rapaces : en fin de saison de reproduction, ces buses vont vers le nord plutôt que vers le sud, contrairement aux autres oiseaux migrateurs. De ce fait, ce modèle est appelé migration inversée. Trois buses femelles équipées nichant en Judée ont migré en Russie, en Turquie et au nord de la Syrie. Par conséquent, les buses féroces nichent en Judée entre décembre et juin, puis elles migrent au nord, en Russie et en Turquie. Elles sont absentes d’Israël pendant 6 mois. Nous attendons que les 5 autres buses équipées reviennent de migration en décembre 2012. 2Séparation des territoires inter et intrasprécifique Nous avons trouvé qu’il existe une nette séparation intra et interspécifique des rapaces marqués, à propos de leur sites de prospection et de leurs territoires de nidification. Cette séparation se traduit par des domaines vitaux caractéristiques, ainsi que par la taille et les caractéristiques géographiques des secteurs. Friedemann, Izhaki, Leshem Etude de l’écologie trophique du circaète Jean-Le-Blanc en Italie centrale. Le circaète Jean-Le-Blanc est un prédateur très spécialisé : les serpents constituent leur proie principale et leur présence est une nécessité pour l’espèce. Les proies préférentielles dans le centre de l’Italie mesurent entre 65 et 100 cm de long constituant un apport de 72,6 à 127,2 grammes par individu. La faible prédation sur les vipères dans la zone étudiée pourrait s’expliquer à la fois par une stratégie d’évitement de ce reptile dangereux, suggéré par Cramp et al (1980) et en terme de répartition des individus les plus profitables en Italie centrale. Des vipères de 40 à 210 g ont été prédatées au cours de cette étude. Les vipéridés constituent néanmoins une plus grande part des proies du circaète dans les quelques régions fraiches et zones humides du nord de l’Italie centrale. Un évitement des vipères ne pourrait être mis en évidence que par des expériences plaçant vipères et colubridés face à des circaètes sauvages dans des conditions standards. Aucune donnée n’est disponible sur l’abondance des serpents dans la zone bien que la couleuvre verte et jaune, l’espèce prédatée la plus importante, soit aussi le serpent le plus couramment contacté par l’observateur. Le circaète JeanLe-Blanc montre des préférences pour les La plume du circaète n°11 – décembre 2014 écotones et, malgré sa grande taille, a été observé atteignant ses proies dans des terrains à végétation dense en arbres et arbustes. Il est possible que les serpents soient plus présents dans des milieux fragmentés et que la stratégie de chasse du rapace, évitant les heures fraiches et trop chaudes de la journée, planant et volant à faible vitesse, est liée aux contraintes de localisation posées par une mosaïque de végétations. La tentative d’estimation des besoins nutritionnels d’une nichée de circaète Jean-Le-Blanc s’est basée sur la consommation de nourriture moyenne des poussins.Les jeunes étaient observés lors de journées continues. En moyenne, un poussin consommait 157 g/jour avec des apports variant de 30 à 21 g/jour selon le stade de croissance. Les résultats sont cohérents avec ceux de Boudoint (1953) qui a estimé l’apport nutritionnel journalier nécessaire aux juvéniles et ceux de Geroudet (1978) qui les estimaient à 120-150 g/jour. En assumant que : 1. Un poussin, entre l’éclosion et l’envol consomme autant de nourriture que l’adulte sur la même période (Craighead et Craighead, 1956), un postulat qui semble se maintenir avec l’évolution de la physiologie aviaire moderne (Walter, 1979) 2. Les serpents sont représentatifs de l’alimentation des circaètes 3. Leurs proies de référence pèsent en moyenne 100 g Il est possible d’estimer les besoins nutritionnels saisonniers d’un couple reproducteur à 79 kg soit environs 790 serpents de référence (100 g/individus). Bien que ces résultats soient à prendre avec précaution, du fait des assomptions faites, l’estimation des besoins alimentaires des populations reste probablement un indice traditionnel et fiable de l’impressionnant impact des rapaces sur les populations de leurs proies. Francesco Petretti University of Camerino okapia.studium@virgilio.it References – boudoint Y, brosset A., bureau L., guichard G. & mayaud N., 1953 – Biologie de Circaetus gallicus (Gm.) -Alauda, 21: 86-127. – CRAIGHEAD J.J. e F.C. CRAIGHEAD. 1956. Hawks, Owls and Wildlife. Harrisburg, Penn. cramp S. & simmons K.E.L., 1980 – Hand- book of thè birds of Europe, thè Middle East and North Africa. Voi. II – Oxford University Press, Oxford. – GEROUDET P. 1955. Les rapaces diurnes et nocturnes d’Europe. Delachaux et Niestlè, Neuchatel. – WALTER H.1979. Eleonora’s Falcon. Chicago University Press. Chicago. 15Yves BOUDOINT nous a quitté le 18 janvier 2015 Le Circaète est entré dans la vie d’Yves Boudoint le 22 mai 1945 dans les gorges de la Loire, non loin de St-Etienne. Agé de 23 ans et revenant juste de plusieurs années de STO en Allemagne, Y. Boudoint observe pour la première fois le fameux vol stationnaire du Jeanle-Blanc en chasse. La scène le fascine tellement qu’il avouera plus tard que « cet évènement exceptionnel a en une minute changé toute (sa) vie ». Peu après, le 11 juillet, il découvre un premier nid. Dans un premier temps, les oiseaux l’intéressent pour leurs capacités voilières. Alors en classe de 5ème, son attention est retenue par les milans noirs. Parallèlement aux observations, il se lance à l’âge de 12 ans dans la construction d’un modèle réduit d’avion. Sa passion pour la physique du vol l’amène à passer un brevet de pilote à 17 ans. Dès la fin de la guerre, Y. Boudoint se plonge dans une intense activité ornithologique et photographique. En 1951, il publie dans la revue Alauda un article technique de 18 pages illustré de dessins de Paul Barruel. Cet article intitulé : Le vol du Circaète Jean-le-Blanc, plus particulièrement dans le Massif central est signé de son nom, suivi de la mention « ingénieur ECL ». Deux ans plus tard, il récidive avec un article magistral de 26 pages : Etude de la biologie du Circaète Jean-le-Blanc (Alauda, 1953), lequel article restera longtemps LA référence en la matière. Il sera systématiquement pris et repris par tous les auteurs d’Europe occidentale. Les remarques et analyses qu’on y trouve sont d’une grande pertinence ; et les observations, de qualité particulière. Le texte est une nouvelle fois magnifiquement illustré par Barruel. Evidemment, quelques propos peuvent choquer soixante plus tard, comme ceux relatifs au prélèvement d’un jeune pour analyse de comportement en captivité. La chose est impensable de nos jours. Est-il nécessaire de rappeler qu’à l’époque, non seulement aucune mesure de protection ne concernait les rapaces mais qu’en plus, ceux-ci étaient classés nuisibles : leur destruction était encouragée. La plupart des relations qu’on avait avec eux se faisaient avec un fusil. Si les observations de Boudoint sur le Circaète sont bien connues, sa passion pour le cinéma naturaliste l’est moins. En 1949, au cours d’une année sabbatique après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur, il entreprend la réalisation d’un film professionnel sur le Circaète. A cet effet, il acquiert une petite caméra d’occasion et il l’équipe d’un moteur trouvé pendant la guerre sur un avion abattu. Présentant à Cannes le projet du film, il décroche le Grand Prix du Documentaire. En 1950, le film enfin achevé obtient le 1er prix décerné par la revue Science et Voyage, un précurseur de l’actuel Géo. En 1955, le documentaire sort en cinéma, en Europe et en Afrique du nord. Tour à tour ingénieur, agriculteur (Lot-etGaronne) puis professeur de physique en lycée (Haute-Loire), il n’a de cesse d’observer la nature, et principalement ses deux espèces fétiches : le Circaète et le Gypaète. En 2014, quelques mois avant sa mort, à l’âge de 93 ans, il observe encore avec assiduité le cycle de reproduction d’un couple de circaètes, vers la ville du Puy. Yves Boudoint était une personne facile à aimer. Doté d’une intelligence peu commune, d’une grande rigueur intellectuelle et d’un humour subtil, il avait le don de captiver le public lorsqu’il parlait d’oiseaux, de physique, de photographie, d’informatique, d’apiculture. Son insatiable curiosité le poussait à aller au bout des choses, en passant au besoin par des expérimentations originales et souvent très drôles. Des personnes du Puy se souviennent probablement de ce vieux monsieur de 80 ans en train de faire de la mobylette dans les rues mal pavées de la vieille ville, un dimanche matin, une caméra fixée au guidon puis sur la tête ! L’intention était de filmer des textes posés à terre afin de comprendre les capacités physiques dont doit disposer un circaète pour repérer sa proie lors de vols de chasse stationnaires par grand vent… Au-delà de tout cela, ce qui surprenait le plus chez lui était son émerveillement pour tout sujet nouveau aussi menu futil, un émerveillement dont la fraîcheur juvénile avait le pouvoir d’oter les doutes que l’on pouvait entretenir sur la nature humaine. Bernard Joubert RESEAU NATIONAL DU CIRCAETE JEAN-LE-BLANC La plume du circaèet est réalisé et édité par la mission rapaces de la LPO 26 boulevard Jourdan, Parc Montsouris 75014 Paris Tél : 09 72 46 36 19 – Mail : rapaces@lpo.fr http://www.lpo.fr Conception et réalisation : Anthony Destremx, Renaud Nadal Traduction : Anthony Destremx Relecture: Renaud Nadal, Yvan Tariel, Danièle Monier Photo de couverture : Bruno Berthémy LPO©2014 – Reproduction interdite, quel que soit le procédé, sans autorisation écrite de l’éditeur. 16 La plume du circaète n°11 – décembre 2014