Un Circaète aux portes de Marseille

Richard FRÈZE

Remerciements: Nous tenons à remercier pour leur aide et collaboration, Denis NEBEL, responsable ONF de l’Unité territoriale Étoile-Garlaban, Vincent PASTOR ainsi que tous les autres agents de terrains de l’ONF du secteur.

Marseille, deuxième ville de France par sa population avec plus de 800 000 habitants, est aussi la 7e plus grande commune qui s’étale sur plus de 24 000 hectares.
A plus d’un titre Marseille est une ville de paradoxes, car si au centre-ville la densité de population est de l’ordre de 1 000 habitants au km2, dans certaines zones à l’extrême périphérie elle est voisine de zéro. En effet, alors que près de 15 000 ha du territoire communal sont urbanisés, plus de 9 000 sont des espaces naturels, souvent totalement inhabités. Ces zones constituées par des collines et des garrigues ceinturent la ville du nord-ouest au sud (carte 1) :
– le massif de la Nerthe au nord-ouest,
– le massif de l’Étoile au nord,
– le massif du Garlaban au nord-est,
– le massif de Saint-Cyr/Carpiagne au sud, où se trouvent les prestigieuses calanques, le plus vaste avec une superficie de 6 800 ha.
Tous ces terrains sont un « poumon vert » pour la ville, mais ils constituent également, malgré leur aspect parfois désertique, une réserve biologique importante, car ils abritent une faune et une flore remarquables, avec des espèces endémiques ou rares au niveau national.
Sur le plan ornithologique, et plus particulièrement pour les rapaces, la commune de Marseille est relativement riche en nombre d’espèces, puisque qu’elle héberge :
– un couple d’Aigle de Bonelli (Aquila fasciata) dans les calanques,
– plusieurs couples de Faucon pèlerin (Falco peregrinus) sur les falaises maritimes,
– plusieurs couples de Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), dans les calanques notamment,
– sans oublier de nombreux Faucons crécerelles (Falco tinnunculus) et Éperviers d’Europe (Accipiter nisus).
En ce qui concerne le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), quelques couples nichent dans des communes assez proches, situées à une vingtaine de kilomètres de Marseille : Roquevaire, Roquefort-la-Bédoule, Ceyreste.
Sur le massif de Saint-Cyr/Carpiagne, l’espèce était régulièrement contactée sans que l’on connaisse son statut précis. Il faut dire que cette zone possède un relief complexe avec une multitude de vallons d’orientations diverses, souvent très encaissés et avec de hautes falaises, ce qui rend les prospections assez difficiles. Si à la suite des incendies récents et anciens la plus grande partie de la zone est assez dénudée, certains vallons épargnés possèdent encore de très belles pinèdes qui peuvent être favorables à l’hébergement de rapaces forestiers comme le Circaète.
Cette année, grâce à l’aide de l’Office National des Forêts (ONF) et un recoupement d’informations précises communiquées par ses agents de terrain travaillant sur ce secteur, nous avons pu enfin trouver le site de nidification d’un couple.
Il est situé sur la pente nord/nord-ouest d’un petit vallon (photo 1 et photo 2), à la limite est de la commune de Marseille, dans le 11e arrondissement, entre les quartiers de la Barasse et de la Millière. Ce vallon, très proche des zones urbanisées, est assez peu fréquenté car à l’écart des chemins de randonnée du secteur. Il possède quelques bosquets de beaux pins d’Alep (Pinus alepensis) sur des pierriers à forte pente (> 40°). L’aire est installée sur la branche latérale d’un pin légèrement isolé dans une concavité du relief, à une hauteur d’environ 7 mètres, une altitude de 300 mètres et elle est exposée au sud-est (photo 3). Pour la voir il faut descendre dans le vallon sur la même courbe de niveau à 50 m au sud de l’arbre.
C’est actuellement le seul couple connu nichant sur la commune.
Ce qui est remarquable c’est que ce site se trouve sur la partie nord du massif de Saint- Cyr/Carpiagne, celle qui est la plus proche des zones urbanisées. A vol d’oiseau, l’aire est située à 550 m d’un lotissement, 950 m d’un arrêt de bus, 1,2 km d’une route nationale et 2,7 km d’un très grand centre commercial. Un paradoxe pour une espèce qui niche habituellement dans des endroits très sauvages et loin de toute présence humaine !
Le 4 juillet un jeune âgé d’environ 5 à 6 semaines était visible sur l’aire, inquiet de notre présence si proche (nous sommes restés uniquement le temps de prendre une photo).